Je comptais vous envoyer ce deuxième courrier un peu plus tôt, mais je voulais avoir vu “Aftersun” avant ça. On va donc parler (assez longuement) de films, de fictions autobiographiques parfois (souvent), de documentaires, clips et musique aussi un peu quand même. En fait, là je devrais être en train de faire du montage… bon bah je suis clairement pas en train de faire du montage. Pourtant j’aime vraiment beaucoup l’espèce de transe de ces tâches tunnel-vision où tu es hyper concentré·e sur ce que tu fais et que le monde arrête d’exister. Mais je n’ai pas encore trouvé le bouton qui me met dans cet état. Pour le moment, c’est encore au petit bonheur la chance.
Bref bref bref, j’imagine qu’on aura l’occasion de causer montage/écriture ou comment tu passes d’une arborescence à un résultat linéaire. (Ostia, ça m fait penser que ça se relie à TOUTES les choses dont je veux parler après et je vais devoir en choisir une >< #metaverse)
Annabel Lee en videos
Le montage sur lequel je bosse en ce moment est une sorte de docu behind the scene de la création de l’album “Drift”. Je filme le groupe Annabel Lee depuis un moment. Souvent sans but précis, juste parce que j’aime bien filmer des trucs et comme souvent je traîne avec elleux… Donc forcément, quand je les ai accompagné·es en studio, j’avais ma caméra avec moi. Difficile à l’heure actuelle de dire quelle forme finale prendra tout ça, par contre pour les plus impatient·es et les esprits festifs, vous pourrez en voir un bout (une version beta de la partie 1) lors de la fête de sortie à l’Ermitage le 25 mars. Là, je revois des images de moments que j’avais totalement oubliés. Fait que je suis plus dans la contemplation que dans la production.
J’avais écrit ce “petit” texte à la sortie du studio :
Dimanche 13 mars [2022], nous avons pris la route de La Mayenne (France) pour donner naissance à quelque chose d'important. Depuis plusieurs mois, Damien et moi accompagnons Audrey, Vankou et Hugo dans la maturation de leur deuxième album. À Laval, nous avons rendez-vous avec l'obstétricien de ce nouveau disque : Amaury Sauvé. Et c'est drôle parfois comme les dates coïncident. Croyez-le ou non, mais c'est encore un peu stupéfiant pour nous de penser qu'il y a deux ans exactement, le trio a dû interrompre sa tournée (pour son premier album) et rentrer chez eux avec un sentiment de désarroi. Puis, ce dimanche, nous avons toustes fait le chemin inverse pour venir enregistrer un album. Aujourd'hui, c'est le printemps.
Je sais que l'enregistrement de ce nouvel album avec Amaury est un moment charnière pour Annabel Lee. Ce type a une méthode de travail incroyable, impossible à résumer en quelques lignes. Cela a obligé le groupe à aborder cette session d'une manière différente. Il y a plus d'étapes, plus de précision et surtout une longue liste de devoirs à la fin de la préproduction. Le groupe a profité de la longue pause forcée (due à la pandémie) pour se réunir et composer, puis tout s'est accéléré après leur première visite au studio en janvier. Soudain, il ne restait plus que 5 à 6 semaines pour fixer les choses, travailler pour améliorer ce qui était déjà très bon, trouver les parties manquantes, tout cela avec la vie quotidienne qui met des bâtons dans les roues du temps.
Si vous n'êtes pas musicien·ne, certaines conversations dans le studio peuvent vous sembler un peu obscures. On y parle de Fuzz, de Boost, de Pettyjohn, de sustain, de demi-ton que l'on peut parfois sentir, parfois ne pas entendre du tout. Iels tirent les cordes, changent les peaux de la batterie, confectionnent des tempo maps. On a les oreilles qui bourdonnent un peu et le cœur qui vibre beaucoup parce qu'on n'a pas forcément besoin de tout comprendre pour être submergé·es par l'exaltation de la création collective.
Pendant toute la durée de la session, nous sommes les un·es sur les autres 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 (mais ça va). C'est intense parce qu'on est là pour travailler, mais on a l'impression d'être en colonie de vacances. Et l'endroit est agréable. Quelle joie d'avoir une immense salle baignée de soleil et des fenêtres dans la régie. Cette configuration est surtout très utile pour garder un contact visuel entre les membres du groupe et l'ingé son. C'est essentiel pour faire groover la musique. Certains titres ont déjà été joués sur scène, d'autres n'ont que quelques semaines, mais ils sonnent tous très bien ensemble, car ils reflètent la cohésion du groupe.
Je pourrais passer des heures à vous raconter l'enregistrement de chaque morceau, et chaque personne présente le racontera différemment. Sans compter que les cerveaux ont parfois tendance à se souvenir des choses difficiles. Il y en a eu avec les deadlines, la fatigue et la sensibilité de chacun·e. Il y a eu aussi beaucoup d'heureux accidents qui seront fixés sur disque. Tout cela et bien d'autres choses ont été captés par mon enregistreur audio et ma caméra. Il en sortira sûrement quelque chose, même si c'est encore flou dans mon esprit pour le moment.
Il s'agit de sentiments difficiles à exprimer par des mots, mais il y a aussi des choses très concrètes que l'on peut énumérer :
Annabel Lee a utilisé 4 jeux de cordes, changé les peaux de la batterie deux fois et tué 13 paires de baguettes. 10 pistes ont été enregistrées et éditées en 10 jours (y compris l'installation, donc plutôt 9, et les réamps, donc plutôt 8, et les arrangements, donc... enfin, bref) et puis le jour de repos, nous avons aussi trouvé le temps de ne pas nous reposer et de tourner une vidéo. Nous avons parcouru 588 km dans les deux sens à trois reprises. En une matinée, tout le monde s'est mis d'accord sur une photo proposée par Audrey pour la couverture et Damien a fait la mise en page dans la foulée (du jamais vu). Nous avons fait le premier barbecue de 2022 et mangé au moins 19 baguettes de pain. Quant au nombre de bières, il restera un secret de fabrication.
Traduit approximativement d’un anglais approximatif.
Ça, c’est un des chantiers, mais il y a aussi eu le clip de “By the Sea” (là j’ai juste donné les tops, ce sont Audrey, Alex et Émilie qui l’ont fabriqué, puis surtout on était une sacrée team) ; le clip de “High Anxiety” (ça c’est un bon rappel que je ne sais pas faire de la fiction, mais que je suis quand même démerde alors avec des copaines et des téléphones, en plus de ces fameuses images d’archives on est arrivé à faire un truc cool) et aussi la vidéo full album (normalement ça sort le 24, mais puisque Mowno a déjà mis l’album en première et que personne ne sera arrivé jusqu’ici dans la lecture, je ne prends pas trop de risques) qui sera complétée par des reels et autres canevas spotify.
Comme vous l’aurez sans doute compris, pas trop eu le temps de s’emmerder de ces jours-ci. 😅
Les docus de Morgane
On devait être en 2018 quand ma pote Morgane, alors installée au Niger, me demande quelques conseils techniques sur un documentaire qu’elle veut tourner là-bas. De fil en aiguille, je lui fais des retours sur son scénario, ses première images et suis tout son processus. Je me souviens qu’au début elle ne voulait pas apparaître dans son film, sauf que sans elle, y’a pas de film. – C’est drôle parce que ça fait partie des choses qui me dérangent dans mon montage actuel, toutes les fois où l’on m’entend interagir avec le groupe et donc qu’on remarque ma présence. – Je fais des visions lors du montage, je lui trouve un ingé son pour le mix, on finit même par faire la bande-annonce ensemble. Je crois que cette expérience sur “Teghadez Agadez” lui a plu (et le résultat final a plu aussi puisqu’il est allé dans pas mal de festivals). Tellement que sur son deuxième film, elle me demande d’être monteuse. Très vite, la joie et l’excitation se mélangent à la peur: j’ai jamais fait ça moi! J’ai beau avoir passé 5 ans à regarder des gens monter chaque jour que Dieu fait et bidouillé deux trois capsules à la va-vite, ce n’est pas mon métier, je n’ai pas fait d’école. Et surtout, si je me foire, c’est pas juste mon film qui sera nul, c’est le sien! Finalement la confiance mutuelle est apaisante et voilà que j’embarque pour passer un mois à Tunis (elle a déménagé entre temps) en mai 2021. (Vous trouviez que ça prend du temps à sortir un disque, les zicos ?! 🥲)
On va pas se mentir, ça a été putain de compliqué pour mille et une raisons – je me suis d’ailleurs bien pris la tête avec le producteur et par ailleurs aussi très bon pote – et je ne sais pas si un jour je retenterai l’expérience (peut-être). Mais je vais surtout retenir les mots de Morgane après que le film “Tramadol” ait été projeté partout dans le monde et remporté vraiment beaucoup de prix : Ça veut dire qu’on a fait du bon travail, Mau’. Les gens l’ont vu.
🍿 Tramadol sera projeté à Bruxelles le 27 mars à 19h au cinéma Galeries dans le cadre du festival Millénium (en présence de l’équipe).
J’ai des places gratos si ça vous dit.
A24, beaucoup d’Oscar, beaucoup de vies parallèles
Vous allez encore beaucoup m’entendre parler de A24 ça c’est sur.
🍩 EVERYTHING EVERYWHERE ALL AT ONCE (EEAAO)
Depuis un an, j’ai monté une secte très prosélyte qui crie à qui veut bien l’entendre – et aux autres – que EEAAO est le meilleur film de la décennie. Je me suis même incrustée dans la newsletter de Damien pour décupler mon audience *rire machiavélique*. Bon, donc, je ne vais pas vous refaire un pavé sur pourquoi et comment c’est génialissime (je vais plutôt prendre mon temps en avril pour mettre ça sous forme de conférence Tedish. Premier degré. Je vous tiendrai au courant). Par contre, je suis encore 72% heureuse et 28% subjuguée par le fait que l’académie des Oscar ait été à ce point d’accord avec moi ; et de manière générale, tous les gens qui donnent des awards (EEAAO est désormais le film le plus primé du monde). Encore un autre sujet de causerie que les prix, les compétitions, surtout dans le domaine artistique…
Mais chacun de ces prix m’a touché, chacun pour une raison différente. Pour boucler la boucle du montage je vous partage ce fact lu sur les internets qui m’a aussi réchauffé le cœur et mis une petite tape dans la nuque au syndrome de l’imposture:
“Everything Everywhere All at Once” had an editing team of 5 people who are self-taught from youtube tutorials. They won the Oscar for Best Editing tonight.” 🤝
Vu le carton il va probablement repasser dans une salle près de chez vous, ne le loupez pas ! (Si vous êtes à Bruxelles, soutenez l’Aventure en y allant)
🐋 THE WHALE
Je voulais aussi aller voir “The Whale”. Parce que A24 (suivez un peu) et parce que Bredan Fraser. Premiers crush avec Rachel Weisz dans “La Momie” – un film qu’il n’est probablement pas bon de revoir et qui n’était déjà pas bon en 99, mais qui est une sorte de doudou pour une partie de ma génération. Alors quand notre acteur-doudou revient à l’écran après une sacrée descente aux enfers (entre autres, un backlash #metoo que les meufs connaissent trop bien) on est quand même content·es. Pour faire du *cinéma d’auteur* (à prononcer avec la bouche en cul de poule) en plus… Bon, je ne vais pas y passer trois heures, parce que ça dépasse ma sphère de compétence, mais tout de même ceci :
- le *réalisateur* Darren Aronofsky, j’attends encore qu’il fasse un film bien,
- est-ce qu’on peut arrêter d’utiliser des fatsuit au cinéma en fait ? On arrive enfin (petit à petit) à faire jouer des personnes racisées au lieu de grimer des blanc·hes, peut-être qu’on peut aussi faire jouer des acteur·ices gros·ses au lieu de penser qu’iels sont de déguisements ?!
- surtout, je n’en sais rien de ce que c’est d’être gros·se (spoiler alert, Darren Aronofsky non plus). Et je parle pas de dysmorphophobie ou de pas se trouver assez bonne parce que c’est la meilleure façon que les industriels ont trouvé pour nous vendre leurs merdes… non, je te parle de concrètement ne pas pouvoir t’asseoir dans le bus à cause des sièges pas adaptés avec leurs putains d’accoudoirs, de ne pas pouvoir t’habiller comme tu veux parce que les gens qui font les sapes ne te calculent pas ou d’aller chez lea médecin la boule au ventre quand tu as une angine parce qu’iel va te dire qu’il faut maigrir alors que ça n’a rien à voir. Comme ça, je ne le connais pas, je vais plutôt croire les concerné·es quand iels disent que c’est une démarche cinématographique à remettre en question. Merci Juju pour la pédagogie et pour la lecture.
🏖️ AFTERSUN
Je crois finalement, après ma séance ciné de ce matin, que j’aurais aimé que ce soit Paul Mescal qui reparte avec la statuette de meilleur acteur pour son rôle de Calum dans “Aftersun”. Histoire de saluer sa prestation bien sûr, mais aussi pour montrer qu’un·e scénariste/réalisateurice peut écrire un personnage totalement réussi et vraisemblable malgré le fait que ce personnage soit différent d’iel (seems too much to ask pour les whitecishetdudes du cinéma). On the bright side of life:
Gros coup de cœur sur le duo Frankie Corio et Paul Mescal, superbe découverte que Charlotte Wells (je vais m’empresser d’aller checker son travail), la Turquie en décor, le rapport aux parents/daddy issues, la dépression, grandir entant que lesbienne… what’s not to like?! Sofia parle de tout ça en détail donc je ne vais pas plus m’épancher, mais allez le voir d’abord s’il vous plaît ! Et le souvenir qui passe par des images vidéo ❤️
Waw vous êtes resté·es jusqu’ici. Bravo-merci. Comme vous êtes vraiment sympa et que je n’ai plus que deux jours pour vous vendre des casquettes avant de devoir vendre un rein, un dernier click? 🧢
Ciao bye-bye.
Brendan Fraser en acteur-doudou deja pour la demie-génération d’avant (si tant est qu’une génération soit 25 ans et qu’une demie-génération, disons 12 ans) dans California Man. Film probablement dispensable également.